Organiser la diète des communes pour mieux les faire disparaître

Organiser la diète des communes pour mieux les faire disparaître

Politique

Communiqué de presse de l’Association des Maires Ruraux de France

« L’Etat par la voix de son nouveau Premier Ministre a décidé d’imposer à toutes les collectivités une cure d’amaigrissement sans précédent (51 Mds€) bien au-delà de la contribution des collectivités au déficit national en précisant que les principales marges étaient dans le « bloc communal » !

Or dans tout régime, y compris sec, le bon résultat réside dans une posologie adaptée au cas. Là, point de nuance, la punition est injustement collective.

Mais ce n’est pas en étranglant financièrement les collectivités qui réalisent plus de 70 % de l’investissement que l’on relancera l’économie et améliorera la situation de l’emploi. Ce n’est pas en transformant le soi disant mille-feuille en pudding que l’on fera des économies.

Tout le monde est réquisitionné, sans considération des causes et des situations spécifiques, en particulier les inégalités structurelles. Aussi à l’heure où débutent les débats, bien que beaucoup de décisions semblent déjà tranchées, l’Association des Maires Ruraux appelle l’Etat au discernement et au dialogue :

Pour une réforme fiscale indispensable : la réforme de la taxe professionnelle n’a pas suscité une réflexion d’ensemble sur l’autonomie financière et fiscale et sur le financement des compétences conditionnées à des ressources qui doivent être dynamiques et évolutives.

Pour une péréquation digne de ce nom : ce principe constitutionnel est aujourd’hui le grand oublié avec un exercice sans effet majeur et des outils de calcul qui produisent des effets inverses : ainsi, des communes rurales bénéficiaires de la dotation de solidarité rurale se retrouvent contributrices au Fonds de péréquation et largement perdantes au solde ;

Pour une correction de la Dotation globale de fonctionnement qui sanctuarise la hiérarchisation des territoires au profit du seul fait urbain avec une majorité des dotations adossées à un principe particulièrement injuste où un urbain vaut deux ruraux. L’exercice de réduction des dotations initiée dans la loi de finances 2014 a évacué le sujet, au mépris du 1/3 de la population de notre pays. Les décisions à venir ne pourront évacuer le sujet au risque d’une fronde légitime des élus locaux.

Contre des économies uniformément imposées aux collectivités qui ne tiennent pas compte des écarts de richesse.

Contre le masque de la mutualisation qui étrangle les communes : les tenants de la concentration des moyens et du pouvoir se trompent. Vendue sous la notion politiquement plus correcte de mutualisation, elle conditionnerait les versements de dotations. La meilleure preuve est d’observer la situation actuelle : le taux d’administration locale (agent/habitants) des communes dans le monde rural prouve qu’il est maîtrisé, alors que dans les villes, le ratio est trois fois plus élevé, malgré la présence d’importantes agglomérations. Tout ceci met à mal la théorie fumeuse de l’économie d’échelle.

L’AMRF récuse cette méthode qui dissimule mal le souhait désormais officiel de supprimer la commune en la diluant dans son outil de coopération et en asséchant ses ressources. Le discours de politique générale du nouveau Premier ministre où le mot « commune » n’a pas été prononcé (pas davantage que celui de « décentralisation ») a été éclairant sur les objectifs : faire disparaître dans un même élan mais en deux temps, les deux vrais échelons de proximité que sont les communes et les départements.

L’AMRF dénonce la double peine pour les ruraux déjà contraints par des surcoûts liés aux distances, à la densité de population et à l’obligation de mises aux normes disproportionnées ;

L’AMRF exprime sa demande d’une participation pérenne de l’Etat pour les rythmes scolaires. La première victoire lors de la loi de finances 2014 sur la non-discrimination envers les communes qui n’ont pu mettre en place cette réforme, renforce la pertinence d’un combat pour obtenir que lorsque l’Etat décide, l’Etat paie ;

Les maires ruraux saisissent l’occasion pour souligner le paradoxe insupportable à demander à la Nation de faire de gros « efforts » par une économie substantielle de 51 Mds€ sans que l’Etat ne se donne les moyens d’enrayer la fuite des moyens vers les paradis fiscaux. »

Michel Barrier