Les élections israéliennes: Premières appréciations!

Les élections israéliennes: Premières appréciations!

Pour Jacques Fath ,membre de l’éxécutif national du Parti Communiste Français, responsable aux relations internationales.
Les élections israéliennes du 10 février ont été gagnées par la droite (avec l’extrême droite) même si c’est Tzipi Livni qui obtient, de justesse, le nombre de députés le plus important.
Les résultats ne sont pas définitifs mais on comptabilise ainsi :

  • Kadima (T. Livni): 28 sièges
  • Likoud (Netanyahou): 27
  • Israël Beiteinou (Lieberman): 15
  • Travaillistes (Barak): 13
  • Shass: 11

Tsipi Livni estime qu’elle a gagné et qu’elle devrait être appelée à constituer un gouvernement. On dit que Netanyahou a cependant plus de chances qu’elle à trouver une majorité. Rien est encore décidé.

  • 1 – Quelle que soit la formule (Premier ministre et coalition) le prochain gouvernement devrait être instable et faible. Il y a eu pas moins d’une trentaine de partis dans la campagne. Ce qui témoigne d’un véritable éclatement politique mais aussi communautariste (vote des russes, des religieux, des retraités, etc…). Toute coalition sera difficile à constituer pour des raisons de cohérence politique, parce qu’il faut une majorité large pour ne pas être à la merci de la défection d’un parti minoritaire, parce que la situation sociale est difficile et instable…Netanyahou n’a pas beaucoup plus d’assurance que Livni d’obtenir une coalition qu’il pourrait rassembler dans la durée. Tout ceci montre un système politique à bout de souffle.
  • 2 – Une coalition droite/extrême droite changerait-elle les choses négativement de façon décisive? Le PC israélien n’en est pas convaincu. C’est pour lui le même genre de politique qui est mis en oeuvre depuis des années, fondée sur le nationalisme, la colonisation, la vision ultra-sécuritaire, le refus d’un processus de paix dans les faits. C’est, en effet, un gouvernement dit centriste (Olmer + Livni) qui a assumé 2 guerres: celle du Liban en 2006 et celle de Gaza tout en accélérant vraiment la colonisation et en multipliant les faits accomplis. Mais on ne peut pas ne pas être préoccupés des conséquences possibles d’une politique, marquée par l’extrême droite, vis-à-vis des Palestiniens mais aussi de la minorité arabe d’Israël que Lieberman n’a cessé de stigmatiser en mettant en cause leur loyauté vis à-vis de l’Etat d’Israël1.
  • 3 – La gauche, et plus précisément le Meretz (qui passe de 5 députés à 3) et les Travaillistes ont été laminés dans la vague nationaliste favorable à la guerre. Ehud Barak, ministre de la défense, n’en recueille pas les fruits. Le Parti travailliste obtient le plus mauvais résultat de son histoire. Il se fait dépasser par les partis clairement à droite, pour le rejet de tout accord de paix avec les Palestiniens. C’est un échec historique.
  • 4 – Dans cette polarisation gauche/droite le PCI obtient un excellent résultat avec un vote jeune. Il double et triple ses voix dans nombre de villes et notamment les plus grandes (Tel Aviv, Haïfa, Jerusalem…). Il avait 3 députés. Il en a gagné 4.

Dans les élus du PCI (groupe Hadash) il y a notamment Mohamed Barakeh, qui était président du groupe et Dov Khenin (jeune avocat juif) qui avait conduit, il y a quelques mois, une liste unitaire à la municipale de Tel Aviv et avait obtenu 30% des voix.
Il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives de ce scrutin dont on peut dire qu’il enregistre la situation désastreuse au Proche-Orient, malgré l’excellent résultat du PCI qui bénéficie des effets d’un positionnement très clair contre la guerre (seule force politique à avoir eu cette attitude).
Les résultats de ces élections, surdéterminés par la guerre de Gaza et la question de Palestine, ne sont pas rassurants pour l’avenir immédiat.
La responsabilité de la France, des Européens, des membres permanents du Conseil de Sécurité, pour une solution dans la justice et le droit n’en est que plus évidente et plus lourde. La France a appelé le futur gouvernement à « s’inscrire dans le processus de paix » et à le « conclure au plus vite ». On attend des actes.
Ce qui impose de « conclure » au plus vite un accord de paix, ce n’est pas seulement le résultat des élections israéliennes. C’est aussi et avant tout la nécessité de sortir de l’impasse dramatique du conflit et d’éviter une nouvelle guerre, nouvelle opération punitive et collective d’Israël contre les Palestiniens. Nous devons rappeler notre position en faveur d’une enquête internationale et de sanctions tant qu’Israël ne respecte pas les résolutions de l’ONU en contribuant aux initiatives prises dans ce sens. Mais nous devons inscrire cela dans une approche politique d’ensemble, dans l’exigence, exprimée avec force, d’initiatives françaises et européennes pour une solution juste à la question de Palestine: un Etat palestinien à côté d’Israël avec certaines conditions connues (capitale, frontières, réfugiés, prisonniers…).
Un gouvernement dirigé par T. Livni a manifestement la préférence des Européens qui estiment qu’une configuration autour de Kadima pourrait mieux correspondre à la reprise d’un processus de paix et à la diplomatie annoncée de Barak Obama. Cela semble néanmoins fragile dans le contexte actuel. L’Autorité palestinienne a déjà déclaré que le prochain gouvernement israélien ne sera pas en mesure de créer les conditions de la paix quelle que soit la coalition et le Premier ministre.
Contrairement à ce que disent parfois les médias et la presse, il ne s’agit pas d’éviter « un gel du processus de paix », conséquence d’une coalition israélienne droite/extrême droite. Il n’y a plus, actuellement, de processus de paix. Il s’agit d’ouvrir les conditions d’un nouveau processus politique (et nouveau cadre politique) dans la nouvelle donne issue de la guerre de Gaza, de l’effondrement consommé du processus de paix lancé en 1993 et de l’impasse politique et électorale israélienne. C’est un enjeu très élevé.
Est-ce que la France, les Européens, les membres permanents du Conseil de Sécurité (qui dans l’ensemble ont au moins laissé faire Israël), les Etats arabes auront suffisamment de courage et d’ambition pour imposer une démarche conduisant à une solution véritable et pour obliger Israël à respecter le droit international, les résolutions de l’ONU et ses propres engagements internationaux ?

Michel Barrier