A ceux qui s’interrogent sur ce qui se passe dans le nucléaire.

A ceux qui s’interrogent sur ce qui se passe dans le nucléaire.

Les incidents nucléaires sont qualifiés sur une échelle de 1 à 7. Il y a eu en France dans les installations nucléaires : 114 incidents de niveau 1 en 2006, et 86 en 2007, incidents tels que ceux du Tricastin et de Romans-sur-Isère. Ils n’ont pas donné lieu à campagne médiatique particulière.
Sarkozy va-t-il offrir Areva à Bouygues ?Selon le journal les Échos, le gouvernement envisage de privatiser le numéro 1 mondial du nucléaire en le fusionnant ,malgré l’opposition de Merkel et de Fillon, avec Alstom;et le tour sera joué.

Après la privatisation de Gaz de France, voici venu le tour d’Areva. Hier, la présidence de la République a reconnu mener « une réflexion stratégique » sur l’avenir de la filière nucléaire française. Cette déclaration du porte-parole de l’Élysée, David Martinon, faite en marge de la visite du chef de l’État à Rennes, fait suite aux informations publiées le matin même par les Échos. Selon le quotidien économique, mission aurait été confiée, sous l’égide de l’Agence des participations de l’État (APE), au cabinet de conseil McKinsey et à la banque HSBC de plancher sur le sort du numéro 1 mondial de l’électronucléaire. Trois scénarios sont possibles Dans une note transmise au pouvoir public début août et consacrée à l’avenir du groupe, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) a évoqué trois scénarios possibles. Le premier consisterait en une ouverture de capital. Le CEA, qui détient jusqu’à présent 79 % des parts du groupe, céderait 29 % du capital. De son côté, l’allemand Siemens, qui détient 34 % d’Areva NP (la filiale des réacteurs), verrait ses parts converties en une participation de 8 % dans le holding de tête. Un deuxième scénario consisterait à créer « un grand groupe international », avec le maintien d’un contrôle public majoritaire. Dans ce schéma, le groupe Bouygues entrerait au capital d’Areva NP tandis que Siemens verrait toujours ses parts converties en participation dans le holding où il serait rejoint par le japonais Mitsubishi. Le troisième scénario, qui d’après les Échos aurait la préférence de l’Élysée et du ministère de l’Économie, consisterait en un rapprochement entre Areva et Alstom. Selon le quotidien économique, ce rapprochement pourrait prendre « la forme d’une fusion entre les deux groupes industriels ». Les – activités de la nouvelle entité « seraient filialisées » (construction de réacteurs nucléaires, cycle du combustible, énergies non nucléaires, transmission et distribution d’électricité et transport ferroviaire). Dans ce schéma, le CEA détiendrait un peu plus de 30 % du capital du nouvel ensemble, l’État 5 % et Bouygues 26 %. Hier, ni la présidence de la République ni Bercy n’ont confirmé cette information. Les services de Christine Lagarde affirmant que « toutes les options » sont à l’étude. La prudence est en effet de mise. La chancelière allemande Angela Merkel ne voit pas d’un bon oeil le rapprochement entre Areva et Alstom, qui est le principal concurrent du groupe Siemens. Lundi, au cours de sa rencontre avec Nicolas Sarkozy à Berlin, elle a rappelé l’attachement de son gouvernement au partenariat établi entre le numéro 1 mondial du nucléaire et la firme d’outre-Rhin. Si ce scénario était concrétisé, il confirmerait l’entrée du groupe Bouygues dans la filière nucléaire, déjà pressentie lors de sa prise de participation dans le capital d’Alstom il y a quelques mois. La fin du pétrole bon marché pousse à la diversification énergétique. Dans ce cadre, l’option nucléaire, qui offre en plus l’avantage d’être faiblement émettrice de gaz à effet de serre, regagne en intérêt. De nombreux pays sont tentés aujourd’hui de relancer cette filière. L’activité dans le secteur est en progression. Areva lui-même a vu son chiffre d’affaires progresser de 748 millions d’euros entre 2005 et 2006, pour s’établir à 10,863 milliards d’euros. Son résultat net a atteint 649 millions d’euros. De quoi susciter bien des appétits… Reste que l’entrée d’un groupe privé dans le capital d’une entreprise aussi sensible devrait susciter inquiétudes et oppositions. Outre qu’il s’agit d’une privatisation et qu’à ce titre ses conséquences sociales sont à craindre, sûreté nucléaire et recherche de profit ne font pas bon ménage. Enfin, à l’heure où les investissements à réaliser dans la production d’électricité sont colossaux (1 000 milliards d’euros d’ici trente ans selon l’OCDE), les dividendes que devra verser le nouveau groupe à ses actionnaires risquent de manquer cruellement. La fusion entre Alstom, dont « le meilleur ami » de Sarkozy, Martin Bouygues, possède « le bloc de contrôle », et Areva, numéro un mondial du nucléaire, est de nouveau sur le feu. Et ce à la demande de l’Elysée, évidemment.
Pourquoi rouvrir, aujourd’hui, le dossier de la privatisation d’Areva ? Pour une raison toute simple mais impossible à avouer. Lorsqu’en juin 2006, alors que Sarkozy était ministre de l’Economie, « l’ami » Martin avait acheté à l’Etat – sans appel d’offres, au prix du cours de Bourse et sans l’habituelle prime de contrôle – 21,03 % des actions d’Alstom (turbines électriques et TGV) deux clauses confidentielles lui avaient été imposées par la direction du Trésor. La première prévoyait que Bouygues s’engage à conserver ses titres pendant deux ans. On y est !
La seconde était une clause dite de « earn out » : si, avec l’aval de l’Etat, Bouygues réalisait une plus-value à l’occasion d’une vente sur ses 21 % de capital, il devrait partager son gain avec le Trésor. A l’époque, l’action Alstom valait 68,21 euros. Aujourd’hui, elle cote 150 euros grâce au redressement des comptes du groupe et à un carnet de commandes bien rempli, notamment en TGV. Le 26 juin cette clause est aussi caduque puisque deux années se sont écoulées. Et la fusion Alstom-Areva sera possible, sans que Bouygues soit contraint de verser à l’Etat la moitié de sa plus-value, qui aurait dû s’élever à près de 2,4 milliards. Merci pour lui.

Sans attendre cette date, les spécialistes de ce genre de montage financier, tant à l'Elysée qu'à Bercy, se sont mis au travail et ont missionné un schéma sur mesure pour Bouygues. Areva et Alstom fusionneraient à travers une société holding de tête. Martin Bouygues en contrôlerait 35 %, et l'Etat, pour sauver les apparences, 18 %, le reste du capital étant placé en Bourse. Les filiales de ce nouveau groupe travaillant pour la Défense nationale et la force de dissuasion nucléaire resteraient dans le giron public.

Privatisation maison. Pour simplifier cette fusion, Areva et Alstom seraient estimés, selon les premiers calculs confidentiels, à la même valeur : 20 milliards chacun. Une valorisation qui fait d’ores et déjà bondir les spécialistes du secteur nucléaire, comme l’explique un haut fonctionnaire de Bercy sous couvert d’anonymat. « Areva, avec 66 000 salariés, a réalisé, en 2007, près de 12 milliards de chiffre d’affaires et un résultat net de 743 millions d’euros. A première vue, une valorisation de 20 milliards paraît normale. Mais, en réalité, Areva a engrangé un carnet de commandes de 40 milliards d’euros, en hausse de 55 % pour la seule année 2007. Privatiser, pour une valorisation aussi faible, le numéro trois mondial de la distribution d’électricité est invraisemblable. » « Invraisemblable ? » Pour une tête d’œuf de Bercy peut-être, mais pas pour « le meilleur ami » de Martin Bouygues. Toujours selon ce haut fonctionnaire, Sarkozy croit avoir trouvé la solution pour désamorcer l’opposition d’Angela Merkel à cette fusion Areva-Alstom. L’allemand Siemens possède en effet 35 % de la filiale Areva NV (ex-Framatome), qui construit les centrales nucléaires. Dans un premier temps, l’Elysée avait espéré que Siemens accepterait gentiment de « sortir » d’Areva. Ce qui aurait laissé la voie libre à Bouygues. Mais, le 10 septembre 2007, la chancelière a publiquement fait savoir qu’elle désirait que la coopération franco-allemande dans le nucléaire civil se poursuive. Ce qui bloquait tout. Il faut, pour faire plier Merkel, trouver une monnaie d’échange. L’Elysée veut donc inciter Alcatel-Lucent, en pleine déconfiture, à vendre à EADS sa participation dans Thales, l’industriel de l’électronique de l’armement. Une opération que les Allemands souhaitent depuis longtemps pour renforcer les activités militaires de l’avionneur européen. Un geste qui, selon les stratèges de l’Elysée, les convaincrait, comme l’a souligné « l’Express » (7/5), d’abandonner leurs 35 % dans Areva NV. En présentant les comptes, excellents, d’Alstom, son PDG, Patrick Kron, vient d’ailleurs de confirmer dans une interview au « Journal des finances » (10/05) son « intérêt » pour une fusion avec Areva, avant d’ajouter : « La balle est dans le camp du gouvernement. » On ne le lui fait pas dire. Mais il y a comme un problème : ce joli Mecano en préparation se heurte, pour le moment, à l’opposition feutrée de François Fillon et de ses collaborateurs à Matignon. Comme le confie l’un d’eux au « Canard », « offrir sur un plateau au « meilleur ami » du Président, Martin Bouygues, la filière nucléaire française, qui va profiter à plein de la reprise des investissements dans le monde en matière de production d’électricité, c’est de la pure folie. Sans parler du scandale qui ne manquera pas d’éclater. Ca vous aurait un petit côté Poutine-Berlusconi difficilement gérable. » Tout de suite les comparaisons les plus flatteuses…

Michel Barrier